La science éclaire le débat du Sommet pour l’Action sur l’IA

La conférence intitulée "AI, Science and Society", qui a rassemblé plus de 3 800 participants issus du monde académique, industriel et institutionnel, marque une étape décisive dans la structuration du débat mondial sur l’intelligence artificielle. Jamais autant de chercheurs influents n’avaient été réunis dans un même cadre pour débattre ensemble des enjeux stratégiques liés à l’IA.

Cet événement unique a offert un état des lieux de la recherche en intelligence artificielle "en train de se faire", tout en engageant une réflexion scientifique approfondie sur ses implications sociétales majeures.

Avec un programme d’une richesse inédite, la conférence a rassemblé 94 intervenants autour de 12 sessions plénières, 9 conférences, 7 colloques spécialisés et 9 tables rondes. Plus de 3 800 participants ont assisté aux débats et présentations, parmi lesquels des chercheurs, enseignants, étudiants, entreprises, entrepreneurs et de nombreuses institutions et organisations nationales et internationales, telles que l’ONU, l’OCDE et la Commission nationale pour l’IA. L'événement a également bénéficié de la participation active de plusieurs ministères et ambassades françaises et étrangères, témoignant de son rayonnement et de son impact.

L’événement a été inauguré le 6 février par Anne Bouverot, envoyée spéciale du Président de la République pour le Sommet pour l'Action sur l'IA, Thierry Coulhon, président du directoire de l'Institut Polytechnique de Paris, et Laura Chaubard, présidente de l'École polytechnique.

Trois ministres français étaient également présents au cours des deux journées : Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique, Philippe Baptiste, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, et Thani Mohamad Soihili, ministre délégué chargé de la Francophonie et de la Coopération internationale.

Entre ruptures technologiques, gouvernance et transformations sociétales, cette conférence a posé les bases d’une réflexion structurante qui influencera les politiques publiques et l’innovation industrielle. Retour sur les moments forts d’un événement clé pour l’avenir de l’intelligence artificielle.

Vers une IA plus collaborative et efficiente

L’un des thèmes centraux de ces Science Days a été la nécessité de repenser la structure des modèles d’intelligence artificielle. Michael Jordan a défendu une approche multi-agent inspirée de l’économie, mettant l’accent sur la collaboration. Sur le sujet de la régulation le Pr. Jordan a déclaré que : 

"Les systèmes sociotechniques doivent être régulés au niveau de leurs équilibres, pas au niveau des algorithmes sous-jacents."
– Pr Michael Jordan, Professeur à l'Université de Berkeley / Inria 

De son côté, Yann Le Cun a plaidé pour le développement d’une IA capable d’apprendre et de raisonner de manière autonome, dépassant ainsi la simple mémorisation massive de données.

"Le machine learning, dans sa forme actuelle, est limité. Ce que nous devons viser, c’est une IA qui construit une véritable représentation du monde, qui lui permet d’apprendre, de raisonner et de planifier."
– Yann Le Cun, Chief AI Scientist chez Meta

La question de l’intelligence artificielle générale (AGI) a également suscité des débats nourris. Un consensus s’est dégagé : l’AGI n’existe pas encore et pourrait ne jamais voir le jour dans sa définition classique. Bernhard Schölkopfa mis en avant la nécessité d’un changement de paradigme vers une IA plus hybride, intégrant les principes de la causalité pour mieux comprendre et interpréter le monde réel.

L’IA au service des sciences : une révolution en marche

L’IA joue déjà un rôle crucial dans plusieurs domaines scientifiques. Joëlle Barral de DeepMind, a retracé l’évolution d’AlphaFold, qui a révolutionné la biologie structurale en prédisant la structure des protéines avec une précision inédite.

D’autres avancées spectaculaires ont été présentées, notamment dans l’astronomie, la physique, la médecine et la chimie. Emmanuel Candès a dévoilé un nouveau modèle de raisonnement mathématique, capable de rivaliser avec les approches traditionnelles tout en nécessitant 1000 fois moins de données d’entraînement.

En biologie et en santé, Jean-Philippe Vert (Owkin, Bioptimus) et Karim Beguir (InstaDeep) ont montré comment l’IA permet de modéliser des interactions biologiques complexes pour accélérer la découverte de nouveaux traitements.

Gouvernance et régulation : quelle IA pour demain ?

Les enjeux de régulation et de gouvernance de l’IA ont fait l’objet de débats passionnés. Danielle Allen, philosophe et politologue à Harvard, a défendu une approche démocratique et inclusive de la gouvernance de l’IA, rejetant les modèles purement technocratiques ou capitalistes.

"Nous devons aller au-delà de la simple sécurité de l’IA. La vraie question est de savoir comment concevoir des systèmes qui servent réellement les citoyens et renforcent la démocratie."
– Danielle Allen, Harvard University

Le débat a également porté sur l’ouverture des modèles d’IA. Une majorité de scientifiques a plaidé pour une IA open-source et transparente, afin d’éviter une concentration excessive des pouvoirs entre les mains de quelques grandes entreprises technologiques.

IA, économie et productivité : quel impact ?

L’intelligence artificielle transforme le monde du travail et la productivité, avec des effets contrastés selon les secteurs. Eric Brynjolfsson a insisté sur le fait que l’IA accélère certains processus, notamment dans le codage et la recherche, mais que son impact macroéconomique dépendra largement des politiques publiques d’accompagnement.

"La technologie seule ne suffit pas à créer de la croissance. L’IA doit être accompagnée par des politiques d’éducation et d’investissement public adaptées."
– Eric Brynjolfsson, Stanford University

Philippe Aghion, de son côté, a défendu une vision plus optimiste, soulignant que l’IA pourrait devenir un accélérateur d’innovation, notamment dans la découverte de nouveaux matériaux et la conception de nouveaux produits.

"L’IA permet d’accélérer l’idéation et la créativité, ce qui est au cœur de l’innovation de rupture."
– Philippe Aghion, Collège de France

Une IA plus responsable et durable : un défi clé

Enfin, la question de l’impact environnemental de l’IA a été au cœur des discussions. La consommation énergétique des modèles de fondation et des LLMs suscite des inquiétudes croissantes. Des solutions émergent, comme les modèles frugaux, capables de fournir des performances équivalentes avec une empreinte carbone réduite.

Gersende Fort et Vianney Perchet ont présenté des avancées majeures dans la conception d’algorithmes plus efficaces, tandis que Francis Bach a détaillé des recherches visant à optimiser les modèles de diffusion, désormais utilisés pour la génération d’images.

Une conférence qui ouvre la voie aux grandes décisions sur l’IA

Les journées scientifiques du Sommet pour l'Action sur l'IA ont permis de poser les bases d’une réflexion cruciale sur l’avenir de l’intelligence artificielle. En mettant en avant une IA collaborative, responsable et tournée vers le bien-être social, l’événement a ouvert la voie aux discussions qui auront lieu lors du Sommet pour l'Action sur l’IA au Grand Palais.

"L’IA est un outil puissant, mais elle ne doit pas être laissée aux seules mains des ingénieurs et des entreprises. Sa régulation et son développement doivent être l’affaire de toute la société."
– Bernhard Schölkopf, Max Planck Institute

La conférence IA, Science et Société a ouvert la voie à des débats cruciaux qui se poursuivront lors du Sommet pour l’Action sur l’IA. En mettant l’accent sur l’IA collaborative et le bien-être social, IP Paris et l’ensemble des IA Clusters ont réaffirmé leur engagement en faveur d’une IA responsable et porteuse d’impact.

📺 Revoir les conférences :

• Journée 1 : Lien YouTube
• Journée 2 : Lien YouTube